Description |
457 p., [8] p. de pl. : ill. ; 20 cm. |
Bibliographie |
Comprend des annotations bibliographiques (p. 439-[443]) et des index. |
Résumé |
En ces jours de froid extrême à Montréal, le sort des sans-abris nous semblera plus particulièrement difficile sinon tragique. Mais leur itinérance n'est pas vécue que les jours d'hiver. Cette condition est particulièrement bien analysée dans un livre de 458 pages, écrit par un psychanalyste qui est aussi docteur en anthropologie, et qui, à ce titre, a vécu parmi les clochards de Paris. Il a partagé leur itinérance de la rue le jour, et leurs séjours de nuit dans des refuges où, pour arriver à dormir, il faut affronter punaises et odeurs de vomi, urine et excréments, en plus de risquer d’être assailli par ses voisins de dortoir. Mais en même temps, à partir de cette expérience auprès d’une population dont la caractéristique fondamentale est, selon l’auteur, de vivre une grave désocialisation, on trouve dans la deuxième partie de ce livre une réflexion sur la nécessité de repenser l’intervention dans ce milieu. Une réflexion profonde, basée sur une longue expérience. Quelques citations, pour vous donner le ton du livre : « La vie dans la rue ? On mendie. On boit. On s’engueule. On se bat. On se calme. On reboit. On dort. On recommence. Par-dessus tout, on s’ennuie. La toile de fond est l’alcool. Les clochards, dans leur immense majorité, sont gravement alcooliques… la population qui fréquentait la consultation de Nanterre buvait en moyenne, par jour, l’équivalent de quatre à cinq litres de vin. » « De l’urine éclabousse le bas de mon pantalon. Deux types ont la diarrhée à mes pieds. La puanteur est effroyable. Chaque respiration est une angoisse. Je m’enfonce au plus profond de mon être, comme pour abandonner mon corps à lui-même. » « Contrairement à ce que laissent entendre les arguments sociologiques, la pauvreté et l’exclusion sociale sont insuffisantes à rendre compte de leur existence. » « La recherche (illusoire) du fait étiologique déclencheur, de la « rupture » distincte, fait pendant à l’ambition thérapeutique (illusoire elle aussi) du « déclic » qui instaurera enfin la mutation du patient vers la santé et la normalité. » « La double condition d’autodiagnostic et de projection dans l’avenir fait probablement défaut aux clochards, tant ils sont installés dans des formes abîmées de fonctionnement mental quant aux rapports à soi et au temps. Il semble que la grande désocialisation constitue une solution équivalente (mais non identique) à la psychose. Solution tragique et mortifère, solution de la dernière chance, par laquelle ils tentent de se mettre à distance du pire qu’ils sentent bouillonner en eux. C’est à l’éventualité potentielle et fantasmatique du meurtre, du suicide ou de l’effondrement psychotique que la désocialisation offre une sorte de moyen terme et d’aménagement chronique. » « Dans toute ma pratique auprès des personnes gravement désocialisées, des milliers de gens qu’il m’a été donné de recevoir tant en psychothérapie qu’en consultation médicale, je ne connais aucun exemple de réinsertion. Or le malheur veut que l’ensemble de l’effort de l’aide apportée aux personnes gravement désocialisées soit sous-tendu par l’objectif de la réinsertion. » « L’alliance axiologique entre soignants et soignés est, en principe, implicite : ensemble, ils sont supposés s’accorder sur la même idée d’un mieux-être (comme d’un mal-être). Ensemble, ils sont supposés s’accorder sur une définition implicite de la santé et de la maladie, du normal et du pathologique, de ce qui est souhaitable et de ce qui ne l’est pas. Ils partagent les mêmes valeurs. C’est là une condition de possibilité de la relation thérapeutique. Pratiquement, les choses sont, hélas, fort éloignées de ce modèle. Il est un hiatus structurel entre les besoins, désirs et valeurs des soignants, et ceux des soignés. » « En dernière analyse, ce que la relation thérapeutique, dans ce champ, montre par-dessus tout est l’inadéquation du modèle médical : symptôme/traitement/guérison. Les symptômes majeurs ne sont, le plus souvent, pas ceux que le patient met en avant. De guérison, il n’y a point. Quant au traitement, il lui faut réduire ses prétentions d’efficacité thérapeutique à un modeste accompagnement des sujets dans le temps. Mais qu’en est-il alors de l’économie libidinale des soignants ? Privés d’interventionnisme efficace et bousculant, comment peuvent-ils ? Qu’en est-il du devenir et du moi idéal et de l’idéal du moi des soignants ? Assainir les relations entre soignants et soignés passe ici, urgemment, par la nécessité de repenser la notion d’échec thérapeutique. » « L’acceptation et le respect de l’autre dans ses différences et sa folie sont une obligation thérapeutique dont la clinique montre qu’il n’existe pas d’alternative, mais constituent aussi un nécessaire et profond engagement éthique de la part de tous les soignants. » Comme on voit, un livre dur, très dur. À manipuler avec précautions. Comme on disait naguère pour les livres à l’index : à ne pas laisser entre toutes les mains. Mais pour qui se sentira la solidité de le lire, une réflexion profonde et qui questionne. [Club des Irrésistibles] |
Note locale |
Suggéré par le Club des Irrésistibles. |
ISBN |
2259183875 (br.) |
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